Actualités

Stéphane Le Foll: Répondre à Gauche

 

   

Pour l’avenir, je choisis Jaurès

 

Je choisis Jaurès à un moment où on se rappelle à juste titre Clémenceau. Il a été le père la victoire, il a gagné la guerre, Jaurès est mort assassiné pour gagner la paix ;
Je choisis Jaurès parce que quand Dreyfus était accusé, il a choisi « l’humanité » plus que la lutte des classes ;
Je choisis Jaurès car il voulait faire l’Europe, celle qui « libérera les vaincus des servitudes et des douleurs » ;
Je choisis Jaurès parce qu’il s’est battu pour l’égalité et les droits pour tous les humiliés pour la justice sociale.
Le Parti socialiste, après sa défaite, est condamné à se repenser dans son action, son organisation et son identité. 
 
L’enjeu c’est de rester dans l’humanité comme l’a toujours souhaité Jaurès, sans céder au repli, à la haine, aux populismes et aux nationalismes et réinventer un nouvel internationalisme. Dans ce nouveau quinquennat, notre place politique dépend de notre capacité à conjuguer ce que nous avons été dans toute notre histoire avec ce que nous voulons devenir. Rien dans ce moment si particulier n’est acquis quant à notre avenir politique, même si nos idées sont aujourd’hui toujours présentes. Elles sont indissociables de l’idée de justice sociale, de progrès partagé, de refus des déterminismes sociaux, d’indignation face à l’humiliation, de notre aspiration à l’ouverture à l’Europe et au monde. 
Après la défaite que nous avons connue en 2017 qui s’ajoute à d’autres et qui s’explique par un clivage profond au sein de la gauche sur la question européenne et sur les conditions de l’unite nationale,  il nous appartient de refedrfinir notre identité, de relever des défis nouveaux et de refonder le Parti socialiste.
 

Les cinq défis nouveaux à relever

L’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, premier grand défi. C’est parce que nous sommes internationalistes que nous avons à cœur de mener la bataille de la lutte contre le réchauffement climatique, de la préservation de la planète, de l’engagement pour la biodiversité.  Que reste-t-il de cet engagement si on le réduit à une planification nationale ? Rien.  Pire, si avec des discours nationalistes comme « l’Amérique d’abord » on refuse de prendre sa part de l’effort pour sauver l’humanité. Que reste-t-il de cette lutte ? Encore une fois rien ! L’écologie n’est plus une question politique nationale, elle est devenue un engagement international. La réussite de la COP 21 est une leçon que certain à gauche et à droite oublient, ou ne veulent pas voir, en se drapant dans le confort de l’opposition, du jamais suffisant, jamais assez, donnant ainsi la mesure de leur incapacité à assumer des responsabilités qui imposent des compromis, surtout à l’échelle mondiale. La transition doit se faire vers une économie décarbonée, vers les énergies renouvelables, vers la bio économie et l’agroécologie. N’opposons pas la lutte contre le réchauffement climatique avec la recherche du bien vivre et du confort : les deux sont possibles. Encore faut-il inventer de nouvelles méthodes.  
Le deuxième défi est celui du destin de l’Europe. Je ne crois pas à la fin de la sociale-démocratie en Europe. Elle doit s’affirmer au moment où les populismes et les nationalismes agitent les peurs, en défendant une Europe solidaire face au défi migratoire, solidaire en son propre sein et solidaire avec ses voisins.  Avec le Brexit, l’occasion est donnée d’un budget européen avec une vraie recette financière. La taxe sur les flux financiers doit financer une grande politique de développement. La finance au service du développement c’est notre engagement. Les pays riches sont comme les régions riches, ils n’existent que parce qu’ils appartiennent à des ensembles cohérents. Le Royaume-Uni avec le Brexit le comprend aujourd’hui lentement mais sûrement. Le slogan « I want my money back » va se transformer en : « I leave Europe, I lost money ».    
La lutte contre les inégalités notamment patrimoniales est le troisième grand défi. La France et le socialisme ont une place par leur histoire et l’attachement qu’ils portent aux politiques publiques, à l’idée de l’Etat comme outil des solidarités. Ainsi, contrairement à ce que pense Benoit Hamon, ce ne sont pas les élites qui ont rejeté le revenu universel, il a été inventé par elles, mais bien le peuple et les couches populaires qui ne se pensent, ni se voient sans activité, sans utilité, sans perspective de réussite et de construction individuelle. Je propose de réfléchir sur quatre principaux domaines pour créer de nouveaux emplois : l’écologie et la «croissance sure»; la santé avec le vieillissement de la population et l’aide à domicile ; le développement de la vie associative et de l’insertion sociale, la culture qui sera une des activités majeures de demain. La lutte contre les inégalités passe également par le patrimoine. Qu’on y songe, les 10% des français les mieux dotés en patrimoine concentrent près de 50% du patrimoine brut des ménages quand les 10% les plus modestes n’en détiennent que 0,07%, 1% des mieux dotés rassemblent quant à eux 16%.  Aujourd’hui, les inégalités patrimoniales sont 20 fois plus fortes que les inégalités de revenus et le rapport entre les plus riches et les plus pauvres est un rapport de va de 1 à 138. C’est là que se joue pour la France et les socialistes la combinaison entre l’enjeu international et celui de la redistribution nécessaire pour redonner des perspectives aux perdants de la mondialisation mais aussi pour permettre à la jeunesse dans toute sa diversité de renouer avec l’espoir. Reste maintenant à construire pour la jeunesse sur la forme d’un capital de départ un instrument pour se lancer dans la vie. 
Le quatrième défi est celui de la Laïcité. La France, par son histoire et ce qu’elle vient de vivre avec les attentats, est une cible privilégiée du terrorisme et d’une sourde mais bien réelle offensive idéologique de contestation de notre modèle Républicain.  Nous ne sommes pas naïfs. La liberté de conscience de croire ou de ne pas croire est plus que jamais une valeur du socialisme français et le combat avec les autres Républicains sur ce sujet est un front essentiel de lutte politique. 
Le dernier défi est celui de la démocratie dans la République. Pour « les socialistes » il n’y a pas de démocratie sans démocratie représentative, sans médiation démocratique par les élus et par la presse independante. Le socialisme démocratique es s’approprie les nouvelles formes de débats, contributifs, participatifs mais ne peut admettre l’affaiblissement de la démocratie représentative, nationale et locale, pas plus que celui de la démocratie sociale.
La gauche doit à nouveau porter un projet démocratique avec trois grands engagements fondamentaux. D’abord, un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif en renforçant la place du Parlement (maintien du nombre de députés et retour à la proportionnelle de 1985 par listes départementales) ; ensuite, une nouvelle étape de la décentralisation pour rapprocher la décision des réalités locales afin d’ ancrer l’économie et le social dans une démarche territoriale avec du pouvoir réglementaire ; enfin, en renforçant la démocratie sociale  en l’inscrivant dans la Constitution.

Stéphane LE FOLL
21 novembre 2017...