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Un socialisme du possible François Mitterrand

Un socialisme du possible

 

Après l’échec de la Présidentielle de 1965, paradoxalement, François Mitterrand n’est plus un homme seul. L’expérience de la FGDS et de la Convention des Institutions Républicaines ont fait de lui, le leader incontesté de la Gauche. Marginalisé par les événements de Mai-1968, la publication de l’ouvrage «Un socialisme du possible», permet de comprendre comment l’homme politique va s’approprier par la suite, l’effervescence intellectuelle du moment. Mais surtout la manière dont il va tracer la voie de l’union des socialistes. L’analyse repose sur des préceptes simples : « les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde ; les problèmes de tout le monde sont des problèmes politiques. » 

 

C’est ainsi que François Mitterrand s’engage à démontrer comment l’on peut concilier ce qui s’appellera plus tard « la deuxième gauche », avec la tradition socialiste issue de la SFIO. Une mécanique indispensable si le socialisme veut conquérir le pouvoir. Parallèlement à la démarche intellectuelle et à celles des appareils, des clubs et cercles de réflexion se mettent en place partout en France, s’appuyant sur des femmes et des hommes qui analysent, débattent et proposent la création d'un autre espace politique qui ne se réduirait plus au gaullisme ou au communisme. D’ailleurs, Mitterrand cherche particulièrement à se démarquer de ce dernier. Pourquoi ? Il a déjà livré un réquisitoire contre de Gaulle dans « Le Coup d’Etat permanent », brocardant les institutions de la Vème République, vouées à un seul homme ». Désormais, il refuse de manière claire le communisme - même s’il n’en prononce pas le nom - qui « détruit les libertés ». En effet à Prague, le mouvement contestataire du Printemps a été réprimé par les troupes du pacte de Varsovie en août 1968.

 

Pour autant, ce « socialisme du possible »  attendu plus précocement, ne trouvera sa trajectoire qu’en 1971. Rendu possible par la démission de Charles de Gaulle, le bouleversement politique est en marche. Si avec le décès du Général, « la France est veuve » comme l’annonça Georges Pompidou, les Français eux, aspirent à un changement. C’est sans doute ce qui avait dû conduire d’ailleurs Jacques Chaban-Delmas, alors Premier ministre, à évoquer « la Nouvelle Société », dans son discours devant l’Assemblée Nationale, apparu beaucoup trop progressiste, pour les gardiens du temple gaulliste. Depuis Château-Chinon, François Mitterrand, a durant cette époque, gravi les échelons. Maire de la commune, Président du Département et Parlementaire, ses allers-retours entre les terres du Morvan et le Palais Bourbon viennent mûrir la stratégie d’un homme enraciné, s’appuyant sur « l’idéal et le réel » chers à Jaurès. 

 

« Le plus important (…) c’est le réveil de la conscience civique des Français, le sens de la responsabilités. Les Français ont besoin et ont envie de participer aux affaires de la France. Cela n’a été possible qu’à cause de l’ébranlement de 1965. Voilà, les historiens diront peut-être autre chose, mais c’est en tout ce que je pense » analysait-il. 

 

Alors, à l’approche des élections présidentielles de 1974, François Mitterrand s’empare de la SFIO et des courants associés et lance la création du « nouveau » Parti Socialiste. « C’est une grande espérance et il ne faut pas la trahir. il y aurait deux manières de la trahir, d’abord de ne pas faire le Parti Socialiste nouveau, et ensuite, de le faire de telle sorte qu’il serait l’occasion d’un nouveau désespoir, d’une nouvelle déception et donc finalement, du recul définitif de la génération nouvelle du côté des partis de Gauche. Je pense que ce Parti Socialiste nouveau est nécessaire, je pense qu’il est nécessaire dans l’immédiat, par exemple. Dans l’immédiat, quand ce ne serait que pour en finir avec le désarroi dans lequel se complaisent beaucoup trop de milieux, le pessimisme, le défaitisme qui ne sont pas de mise (…) Et puis dans l’immédiat, il est nécessaire de faire ce nouveau Parti Socialiste afin de faire obstacle, de faire front contre les menaces de ce retour fasciste (…), péril pour les libertés publiques. 

 

Et Mitterrand de préciser immédiatement : « il faudra bien gouverner. » Et si les Français donnent à la Gauche l’occasion de gouverner, il faut que la Gauche en soit digne selon lui. Pour cela : « rien de mieux pour cela qu’une formation politique solide, sincère, honnête et compétente, à la condition qu’on se débarrasse des procédures inutiles, des discussions, ou comme on dit, des bavardages. » Certes, 1974 verra la victoire de Giscard d’Estaing d’un très court écart. Il fit dire à François Mitterrand : « quelque chose s’est levé et qui ne s’arrêtera ». 

 

Il est vrai que le socialisme fera son chemin. Les bases humaines et les structures de réflexion sont posées partout dans le pays. Les bataillons de militants sont là. Les résultats électoraux progressent de scrutin en scrutin parce qu'il y des propositions pour améliorer la vie quotidienne, sans opposer les acquis, le progrès, le développement économique entre eux. Un programme s’affirme avant 1981 et qui fera du socialisme, l’outil de libération de l’homme de toutes les forces qui l’oppriment. C’est-à-dire, les forces matérielles, intellectuelles, économiques, politiques. Mitterrand comprend et explique que seule une réorientation de l’économie et des richesses vers ceux qui produisent et travaillent peut permettre un changement de paradigme. « Le combat socialiste vise d’abord à éliminer toutes les formes d’exploitation de l’homme par l’homme et notamment les forces de domination économique. » S’ajoute l’union logique entre le socialisme et la liberté, complétée par les conquêtes sociales. Enfin, Mitterrand a retenu un enseignement de Mai-68. La jeunesse attend et espère : « Si nous ne répondons pas à la question que nous pose la jeunesse, question à caractère spirituel, intellectuel et culturel, alors le socialisme n’aura fait que balbutier ». 

 

Alors, en cette période de pauvreté intellectuelle interne  où le Parti est entré en congés avec tout projet ou réflexion, après l’échec des Primaires, au lieu de se livrer aux querelles intestines, les dirigeants, à toutes les échelles, feraient mieux de se pencher sur « les nouvelles voies de passage au socialisme ».Si bien entendu, le contexte de notre société n’est plus le même, le rassemblement des femmes et des hommes de bonne volonté demeure. La possibilité de se réunir, réfléchir, débattre et proposer existe toujours. Et plus qu’à critiquer parfois injustement tout ce qui ne vient pas de lui, ce Parti a-t-il encore la capacité à se remettre au travail ?

« J’ai l’impression que le socialisme, libération, volonté, et en même temps aspiration de l’être pour créer un monde meilleur, un peu de bonheur, vaut la peine de s’y consacrer, et dans ce sens-là, oui, je crois pouvoir le dire très sincèrement, je me sens socialiste ! » disait François Mitterrand. Se peut-il que son message soit entendu et qu’il se traduise en actions ? Espérons le, un jour, qui sait…

 

D.C.