Actualités

Carole Delga :l'avenir et l'espoir

Législatives Carole Delga, présidente de la Région Occitanie 

image de Creuse

« La direction du parti a bradé nos convictions contre 70 places de députés »  Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie n’a pas le profil des « éléphants » sacrifiés par le Parti socialiste. Fustigeant les politiques « girouettes », elle souhaite créer un « nouvel élan » au sein de la « gauche républicaine ». Cet article est en accès libre car pour nous, être bien informé est essentiel pour un vote raisonné.  Qu’est-ce qui vous pousse à y croire encore ? J’y crois car je fais de la politique pour améliorer la vie des gens. Et c’est ce que nous demandent les Français. L’union est nécessaire, bien entendu, mais une union sincère, autour d’un vrai projet. Si j’ai réussi à faire le meilleur score de France pour la gauche en 2021 dans ma région – avec face à moi une extrême droite forte que j’ai fait reculer – c’est en apportant des solutions concrètes, en essayant de redonner espoir face au sentiment de déclassement. C’est sur cette base, sur ce programme, que j’ai rassemblé les socialistes, les écologistes, les communistes, les radicaux de gauche et la société civile. La gauche républicaine unie, ça marche, quand le projet est clair, sincère, utile aux gens. Je désapprouve clairement l’accord qui a été conclu avec la France Insoumise car c’est une négation de nos valeurs. Les Français sont déboussolés par ces politiques qui agissent comme des girouettes. La cohérence pour moi est fondamentale. Quelles sont les prochaines étapes ? Je réunirai, sous 15 jours, les militants qui considèrent que cet accord est une liquidation du socialisme. Il faut se remettre au travail pour proposer un véritable projet alternatif. Après l’été, nous organiserons des Etats Généraux de la gauche qui s’ouvriront largement à tous ceux qui veulent reconstruire cette gauche républicaine, européenne et écologiste : militants de tous les partis, mais également les responsables associatifs, syndicaux et de mouvements de jeunesse, acteurs économiques, culturels, sportifs… Nous devons ouvrir toutes les portes et les fenêtres pour créer un nouvel élan. Quelles valeurs le Parti socialiste a-t-il sacrifiées, selon vous, dans cet accord avec la Nupes ? Notre attachement à l’Europe, à l’importance du couple franco-allemand, à la souveraineté des peuples, alors que nous devons à tout prix défendre l’Ukraine de l’oppression de Poutine, notre défense de la laïcité, notre souci de la sécurité républicaine, notre rapport à l’entreprise. Comment Olivier Faure peut-il écouter sans broncher, encore samedi, Jean-Luc Mélenchon attaquer les forces de police ou condamner les entrepreneurs ? Moi je suis de cette gauche qui veut une société apaisée. Je veux une République laïque où l’on a le droit de croire ou de ne pas croire. Je veux une France fière de son histoire et de son rôle moteur dans la construction européenne. Je veux un pays qui sache concilier économie et écologie, qui aime l’entreprise, parce que pour répartir les richesses avec justice, il faut d’abord les créer. Je veux un Etat de droit respecté, avec une police et une gendarmerie renforcées dans leur rôle de sécurité de proximité. Je veux que notre système de santé protège les Français, avec un hôpital public fort et des médecins dans tous les territoires. L’accord passé prépare des lendemains qui déchantent. En quoi unir les gauches n’était-il pas, pour vous, la seule manière de sauver le PS ? A quoi attribuez vous sa descente aux enfers progressive ? Soyons clairs, ce qui est proposé aujourd’hui, ce n’est pas une « union historique » de la gauche. Je le redis, c’est un accord électoraliste qui a deux objectifs : une répartition de sièges sous l’hégémonie de la France Insoumise qui n’est en rien un projet sérieux pour gouverner aux destinées de notre pays. Les désaccords sont trop profonds pour tenir sur le long terme. L’autre objectif est l’installation de Jean-Luc Mélenchon comme seul et unique opposant à Emmanuel Macron. Eh bien je tiens à le dire, je suis, nous sommes, une opposition à Emmanuel Macron. Cet accord part d’une analyse de courte vue. Le socialisme en France, ce n’est pas 1,75% des voix des Français. Les socialistes, avec leurs partenaires communistes, écologistes et radicaux, associés à des membres de la société civile, dirigent de nombreux Départements, les Villes de Nantes, Tours, Clermont-Ferrand, Montpellier, les Régions Centre Val de Loire, Bretagne, ou encore la mienne, l’Occitanie. La direction du parti a bradé nos convictions contre 70 places de députés sur 577, faisant fi d’une réalité incontournable : le socialisme municipal ou local reste très solidement implanté. On vous accuse de chercher votre heure de gloire et d’avoir des ambitions personnelles. Vous savez, je suis avant tout une femme lucide. 17 millions de Français n’ont pas choisi au second tour de la présidentielle. Ils ont voté blanc, nul ou se sont abstenus. C’est à eux que je pense en agissant aujourd’hui. Ce week-end, j’étais dans le Gard pour rencontrer des agriculteurs et des chefs d’entreprise. Là, une femme m’a dit : « on en a marre que les politiques ne parlent que d’eux-mêmes, de leur place, et pas de nous, de nos difficultés et de notre peur du déclassement. » Ce qui m’a menée en politique, c’est avant tout le sens du service public. J’y suis venue tard, j’ai dirigé des entreprises avant cela et j’ai aimé mon travail. Aujourd’hui, je mets toute mon énergie au service des 6 millions d’habitants d’Occitanie pour créer de l’emploi, avec un pacte de 50 mesures qui permettent le retour à l’emploi. En faisant la gratuité des manuels, des ordinateurs pour les lycéens et des transports scolaires pour tous les enfants. La rentrée la moins chère de France est en Occitanie, tout comme la gratuité des transports pour les jeunes, ou encore le recrutement de 200 médecins pour lutter contre les déserts médicaux. Mon ego importe peu. Ma seule ambition est d’améliorer la vie de mes concitoyens, et c’est déjà beaucoup. Risquez-vous d’être exclue du Parti socialiste ? Je suis profondément socialiste, je ne quitterai pas le PS. Si aujourd’hui des militants sont en colère, déçus, c’est à cause d’une décision injuste de la direction du PS. Elle a provoqué ces tensions, à elle de la régler. Moi, sur le terrain, je soutiendrai les militants engagés dans leur campagne contre la droite et l’extrême droite, avec sincérité, clarté et cohérence. Olivier Véran appelle les socialistes déçus à rejoindre la majorité présidentielle. Le projet libéral d’Emmanuel Macron n’est en rien un projet pour protéger et soutenir les Français : la retraite à 65 ans qui omet la pénibilité ou le RSA conditionné à 20 heures d’activité, pour moi, c’est non. Cazeneuve, Cambadélis, Hollande... sont les principaux frondeurs, comme si le Parti socialiste devait sacrifier ses vieux éléphants pour survivre. Mais votre profil détonne… C’est une force ? Je ne suis pas dans la fronde, mais dans la construction. Je suis d’une génération d’élus qui se tient à portée d’engueulade tous les jours, qui n’a pas peur d’aller au contact. Je ne suis pas calfeutrée dans mon bureau à prendre des décisions hors-sols. Voilà pourquoi je ne me reconnais ni dans le projet d’Emmanuel Macron, ni dans celui de Jean Luc Mélenchon. Leur vision du pays, leur façon de faire de la politique verticale et souvent brutale, ce n’est pas ce dont les Français ont besoin. Les Français ont besoin de retrouver de l’espoir. Un projet de gauche républicaine, européenne et écologiste. Un projet qui prône la gratuité des transports en commun et l’aide au verdissement des véhicules individuels, qui place l’éducation en son cœur pour lutter contre les déterminismes grâce à l’escalier de la réussite. Un projet qui crée des emplois grâce à la transition écologique, en investissant dans les énergies renouvelables et l’habitat durable. Un projet qui garantisse l’accès aux soins pour tous et partout. Qu’on habite près d’Orléans, Clermont-Ferrand, Aurillac, Chartres, Toulouse ou de Montpellier, dans les villes, dans les banlieues ou dans les campagnes, je veux que les Français se sentent soutenus, accompagnés. Qu’il sache que la main est tendue pour soutenir leurs aspirations ou les aider dans leurs difficultés. Le Tarn, où est né Jean Jaurès, n’a pas de candidat PS, selon l’accord, ce qui symboliquement peut marquer les esprits. L’Occitanie est-elle en passe de faire sécession face aux injustices ressenties par certains candidats PS exclus de l’accord et décidés à se présenter quand même ? Il ne s’agit pas de faire sécession, mais d’agir selon nos convictions et notre ancrage territorial. Nous mettrons, en Occitanie comme partout en France, toute nos forces dans la bataille des législatives pour créer une opposition forte à Emmanuel Macron. Et là où il y a un risque de basculement au Rassemblement national, je serai fidèle à mes engagements, nous serons unis pour gagner. Mon combat est là, contre l’extrême droite. En Occitanie, je les ai fait reculer de 10 points entre 2015 et 2021, en montrant leur vrai visage et en apportant des solutions concrètes aux habitants, adaptées à chaque territoire. Le RN a voté contre toutes les mesures de pouvoir d’achat que j’ai portées… Il faut le dénoncer. Tout en donnant un nouvel espoir et en proposant un projet de changement de société qui redonne envie de voter à gauche.

Propos recueilli par Florence Chedotal