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Pour sourire: voyage de Victor Hugo en 1832 à Laon !Voilà ce qu'il écrivait :savoureux cela doit vous faire penser à quelque chose: texte intégral ! Et V.Hugo pouvait écrire tout cela !

« Charleville, 14 février 1832,
Monsieur,
Au mois de septembre dernier, je fis un voyage à Laon (Aisne) mon pays natal. Je l’avais quitté depuis plusieurs années : aussi, à peine arrivé mon premier soin fut de parcourir la ville… Arrivé sur la place du Bourg, au moment où mes yeux se levaient sur la vieille tour de Louis d’Outremer, quelle fut ma surprise de la voir de toutes parts bardée d’échelles, de leviers et de tous les instruments possibles de destruction. Je l’avouerai, cette vue me fit mal. Je cherchais à deviner pourquoi ces échelles et ces pioches, quand vint à passer M. Th., homme simple et instruit, plein de goût pour les lettres et fort ami de tout ce qui touche à la science et aux arts. Je lui fis part à l’instant de l’impression douloureuse que me causait la destruction de ce vieux monument. M. Th., qui la partageait, m’apprit que, resté seul des membres de l’ancien conseil municipal, il avait été seul pour combattre l’acte dont nous étions en ce moment témoins ; que ses efforts n’avaient rien pu. Raisonnements, paroles, tout avait échoué. Les nouveaux conseillers, réunis en majorité contre lui, l’avaient emporté. Pour avoir pris un peu chaudement le parti de cette tour innocente, M. Th. avait été même accusé de carlisme. Ces messieurs s’étaient écriés que cette tour ne rappelait que les souvenirs des temps féodaux, et la destruction avait été votée par acclamation. Bien plus, la ville a offert au soumissionnaire qui se charge de l’exécution une somme de plusieurs mille francs, les matériaux en sus. Voilà le prix du meurtre, car c’est un véritable meurtre ! M. Th. me fit remarquer sur le mur voisin l’affiche d’adjudication en papier jaune. En tête était écrit en énormes caractères : « DESTRUCTION DE LA TOUR DITE DE LOUIS D’OUTREMER. Le public est prévenu… », etc.

Cette tour occupait un espace de quelques toises. Pour agrandir le marché qui l’avoisine, si c’est là le but qu’on a cherché, on pouvait sacrifier une maison particulière dont le prix n’eût peut-être pas dépassé la somme offerte au soumissionnaire. Ils ont préféré anéantir la tour. Je suis affligé de le dire à la honte des Laonnois : leur ville possédait un monument rare, un monument des rois de la seconde race ; il n’y en existe plus aujourd’hui un seul. Celui de Louis IV était le dernier. Après un pareil acte de vandalisme, on apprendra quelque jour sans surprise qu’ils démolissent leur belle cathédrale du XIe siècle, pour faire une halle aux grains. (1) »

 

Les réflexions abondent et se pressent devant de tels faits. Et d’abord ne voilà-t-il pas une excellente comédie ? Vous représentez-vous ces dix ou douze conseillers municipaux mettant en délibération la grande destruction de la tour dite de Louis d’Outremer ? Les voilà tous, rangés en cercle, et sans doute assis sur la table, jambes croisées et babouches aux pieds, à la façon des Turcs. Écoutez-les : il s’agit d’agrandir le carré aux choux et de faire disparaître un monument féodal. Les voilà qui mettent en commun tout ce qu’ils savent de grands mots depuis quinze ans qu’ils se font anucher le Constitutionnel par le magister de leur village. Ils se cotisent. Les bonnes raisons pleuvent. L’un a argué de la féodalité et s’y tient, l’autre allègue la dîme ; l’autre la corvée ; l’autre les serfs qui battaient l’eau des fossés pour faire taire les grenouilles ; un cinquième le droit de jambage et de cuissage ; un sixième les éternels prêtres et les éternels nobles ; un autre les horreurs de la Saint-Barthélemy, un autre, qui est probablement avocat, les jésuites, puis ceci, puis cela ; puis encore cela et ceci ; et tout est dit : la tour de Louis d’Outremer est condamnée.

 Note :carlisme

Le carlisme (en espagnol : carlismo) est un mouvement politique traditionaliste, absolutiste et légitimiste espagnol apparu dans la première moitié XIX e siècle en réaction au libéralisme, au parlementarisme et au sécularisme, qui revendique le trône pour une branche alternative de la dynastie des Bourbons.