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Les soutiers de la gloire

A quelques jours de l'appel du 18  juin , nous vous rappelons l'action et la vie de Pierre Brossolette. Sa petite fille Sylvie Pierre Brossolette évoquant l'action de son père a rendu hommage à tous les "soutiers de la gloire " qui ont assuré ce travail de résistance lors de l'épidémie récente (personnels médicaux à tous les niveaux, caissières, éboueurs, livreurs ….) qui ont permis le recul de la maladie. Ces "Soutiers de la Gloire" étaient ceux qui avaient mené ces combats souterrains contre l'ennemi pour la libération. 

PIERRE BROSSOLETTE IMMORTALISÉ AVEC LES SOUTIERS DE LA GLOIRE

 

Le 22 mars 1944, Pierre Brossolette, entre les mains de la Gestapo depuis trois jours, parvient à échapper à la vigilance de son gardien et, bien que menotté dans le dos, se jette par la fenêtre. Il succombe quelques heures plus tard… sans avoir donné la moindre information à ses tortionnaires nazis.

Né en 1903, cet agrégé d’histoire, journaliste, anticommuniste, adhéra à la SFIO en 1929. Il fut un fervent défenseur des idéaux pacifistes et européens d’Aristide Briand. En janvier 1939, il est licencié de Radio PTT quand, au cours d’une émission, il dit son rejet des accords de Munich.

Son opposition à Vichy l’amène à rejoindre le groupe du musée de l’Homme. Interdit d’enseigner, il participe à la création de plusieurs réseaux de résistance. En avril 1942, il rejoint Londres en tant que représentant de la Résistance et y rencontre le général de Gaulle. En octobre, il est chargé des relations entre résistances intérieure et extérieure. Il se trouve alors en rivalité avec Jean Moulin. Les débats entre les deux hommes sont violents malgré les dangers. C’est en cherchant à rallier Londres que Pierre Brossolette est arrêté en février 1944 en Bretagne.

Le 22 septembre 1942, depuis la BBC à Londres, il s’adresse aux Français : « À côté de vous, parmi vous, sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes – mes frères d’armes –, les hommes du combat souterrain pour la libération… Tués, blessés, fusillés, arrêtés, torturés… Saluez-les, Français ! Ce sont les soutiers de la gloire. »  D. S.

Article extrait de l'Humanité

 

Appel du 18 juin 1940

En guerre contre l’Allemagne nazie depuis septembre 1939, l’armée française ne parvient pas à faire face à partir du 10 mai 1940 à l’offensive éclair des chars ennemis. Le colonel de Gaulle, qui cherche depuis plusieurs années à sensibiliser militaires et politiques à la nécessité de moderniser l’armée (en utilisant l’aviation et les chars), s’est illustré à la tête de la 4Division cuirassée, en contenant notamment les Allemands à Abbeville (27-30 mai 1940). A 49 ans, Charles de Gaulle, tout juste nommé général de brigade à titre temporaire, entre le 5 juin dans le gouvernement présidé par Paul Reynaud, au poste de sous-secrétaire d’Etat à la Défense nationale et à la Guerre.

La situation en France est par ailleurs critique : des millions de civils fuient face à la débâcle militaire et l’avancée des troupes allemandes qui défilent à Paris le 14 juin. Le gouvernement français s’est installé à Bordeaux et le général de Gaulle est envoyé le 16 juin en mission à Londres pour demander au Premier ministre britannique des renforts maritimes et aériens. Alors que Winston Churchill accepte le principe d’une union franco-britannique, De Gaulle apprend à son retour à Bordeaux, la démission du président du Conseil Paul Reynaud, remplacé par le maréchal Pétain. Le « vainqueur de Verdun », très populaire auprès des Français, s’apprête à négocier les conditions d’un armistice avec l’Allemagne. Refusant la défaite, De Gaulle retourne à Londres dès le 17 juin pour y poursuivre le combat.

 

Les appels de juin 1940 et leur portée

 

Grâce à l’appui de Winston Churchill, le général de Gaulle est autorisé à intervenir sur les ondes de la radio britannique, la BBC. Le 18 juin au soir, il s’adresse à la population française et lance un appel à poursuivre le combat, aujourd’hui considéré comme l’acte fondateur de la France Libre. Ce premier appel bénéficie d’une faible audience en métropole et peu de journaux retranscrivent les paroles d’un général dont le visage reste inconnu du public.

Le général de Gaulle réitère son appel à plusieurs reprises en juin 1940 et constitue avec le soutien des Britanniques, une organisation de résistance extérieure, la France Libre. Dès l’été 1940, des milliers de volontaires rejoignent les rangs des Forces Françaises Libres, qui poursuivent le combat contre le nazisme aux côtés des Alliés.

L’enregistrement du discours n’ayant pas été conservé par la BBC, il ne reste aujourd’hui que peu de traces de l’appel du 18 juin, hormis le manuscrit dont certains passages diffèrent de la version prononcée par le général de Gaulle et retranscrite dans la presse locale française. L’événement, célébré chaque année depuis 1941, est devenu un symbole du refus de la défaite et des conséquences dramatiques de l’armistice

Fondation Charles de Gaulle

 

 

 

Pierre Brossolette

Pierre Brossolette restera, à jamais, comme l’un des martyrs de la Résistance. Le 22 mars 1944, après six semaines d’interrogatoire et de torture, il saute par la fenêtre du quatrième étage du siège parisien de la Gestapo, 84, avenue Foch, et se tue. Son sacrifice assure sa légende.

Eric Roussel retrace le portrait de Pierre Brossolette, martyr et légende de la résistance 

Eric Roussel, à qui l’on doit de nombreuses biographies à succès (Pompidou, Mendès France, Monnet, de Gaulle…) retrace avec minutie le portrait d’un intellectuel hors pair, devenu journaliste pour peser sur le cours de l’Histoire, pacifiste convaincu (jusqu’aux désastreux accords de Munich), orateur emphatique mais capable de formules géniales (les fameux « soutiers de la gloire », c’est lui). Mobilisé, soldat égaré pendant la drôle de guerre, il retrouve Paris aux derniers jours de l’été 1940, le moral en berne. Que faire ? Agir. Brossolette a beau être un intellectuel, doté d’une culture solide et d’une plume agile, il lui faut passer à l’acte. Il devient libraire. Couverture idéale pour une activité de résistance… Il adhère d’abord au réseau du musée de l’Homme. Lorsqu’il arrive en Angleterre et qu’il rencontre le général de Gaulle, il a déjà fait la connaissance, en France, des principaux chefs de la Résistance. Il sait, donc, ce que pensent et ce que veulent ceux qui se battent sur le terrain. Il tente de l’expliquer à de Gaulle. Et, plus tard, à celui que le Général choisira pour fédérer les mouvements et qui deviendra son grand rival au sein de la France libre puis son frère jumeau dans l’ordre de la Nuit : Jean Moulin. Les pages que Roussel consacre à l' »affrontement » entre Brossolette et Moulin (« Brumaire » et « Rex »), éclairent d’une lumière passionnante les rapports entre la Résistance intérieure et la France libre. Enfin, le témoignage inédit d’un des agents de Brossolette, Roger Lebon, permet de mieux comprendre ce que furent les dernières heures du grand résistant. Brossolette, affirme Roussel, savait qu’il parlerait sous la torture – qui peut prétendre le contraire ? Il s’est défenestré pour ne pas avouer. Sur cet acte d’un héroïsme fou s’est bâtie la légende. Il se pourrait aussi, comme le suggère Stéphane Hessel, qui fut sous les ordres de Brossolette à Londres, que le héros n’ait pas cherché à se tuer mais, plus simplement, à s’enfuir. Il nous apparaîtrait alors plus humain mais non moins grand.

Les héros sont toujours incommodes. Ils ont deux qualités en apparence opposées, en fait complémentaires ; Pierre Brossolette les réunissait au plus haut point, hérissé toute sa vie, héroïque dans la mort.

Editorialiste au Populaire avec Blum, socialiste pacifiste mais antimunichois, résistant de 1940, maître de l’action clandestine, gaulliste fiévreux, théoricien inattendu, il est mort après des journées de torture avenue Foch, sans rien avouer à la Gestapo. On avait laissé une fenêtre ouverte ; tout de volonté solidaire – il avait peur de craquer alors qu’il en savait trop sur la Résistance -, il a laissé choir son corps martyrisé qui s’est fracassé sur le pavé salvateur. Son âme et sa vaillance dominent encore l’histoire de l’armée des ombres, comme un frère flamboyant et rebelle de Jean Moulin, négligé parce que ses vues politiques dérangeaient. Eric Roussel, historien accompli, biographe du Général et de Pompidou, raconte l’histoire de cet étincelant personnage de tragédie, mort comme il a vécu, en homme qui n’a jamais rien cédé.

A l’agrégation d’histoire, Pierre Brossolette, le plus brillant de sa promotion, juge que le sujet donné ne vaut rien. Convoqué pour un long exposé, il déclare avec fracas que l’affaire – une question étroite et moyenâgeuse – ne justifie pas plus de sept minutes, quand on attend une heure de discours charpenté. Il s’arrête à la seconde dite, en insolent plus érudit que ses maîtres. Le jury reconnaît son erreur, reçoit l’élève et bannit le prof auteur du sujet.

L’éclat de l’étudiant Brossolette annonce toute sa vie. Voué à la recherche ou à la politique, il choisit le journalisme. Prolixe, iconoclaste, passionné des affaires du monde, révulsé par l’injustice et la dictature, il aboutit au journal de la SFIO triomphante, celle de Blum et du Front populaire. La défaite de la France le jette dans la rébellion ; il est du réseau du musée de l’Homme, l’un des premiers, pour se tailler rapidement dans la Résistance la réputation d’un cadre efficace et d’un penseur en action. Il rejoint Londres, se lie avec le colonel Passy et les services secrets de la France libre, rencontre le Général, qui le respecte et s’en méfie. C’est que sa réflexion sur l’effondrement de la France l’a transformé ; l’admirateur de Blum croit à l’inanité des anciens partis, à l’économie dirigée et à une République que l’homme de la France libre guiderait d’une main de fer. On l’accuse de vouloir un régime autoritaire. Il est en fait plus gaulliste que le Général, finissant par embarrasser son chef par ses théories suspectes à la classe politique. Concurrent de Jean Moulin dans la course au pouvoir sur la Résistance, il veut s’imposer après la mort de l’envoyé de De Gaulle en France mais il tombe à son tour. Plein d’abnégation et de panache, il se tue pour sauver les siens. Il mériterait le Panthéon. Il est consacré par un bon livre. C’est une médaille qui en vaut bien d’autres.

Pierre Brossolette nous touche de trop près pour qu’il nous appartienne de le juger. Nous voudrions seulement souligner l’unité de sa trop courte vie. Au lendemain de la guerre de 1914-1918, après de brillantes études, sa générosité le porte vers le pacifisme qui doit permettre aux nations de restaurer leurs ruines et d’évoluer dans la liberté politique et le progrès social ; il participe avec ardeur à la propagande pour la Société des Nations qu’il voudrait viable et efficace. Puis il projette ses regards sur le vaste monde, étudie le jeu des diplomates et les réactions des peuples, les tendances politiques qui se manifestent au sein des grands Mats et les doctrines économiques qui s’affrontent. Son entrée dans le parti socialiste lui vaut de prendre une part active à la vie politique française et d’en observer de près les principaux acteurs, – lui vaut aussi de combattre pour les idées généreuses qui n’ont jamais cessé d’être les siennes et qui le portent vers le peuple, pour les réformes de structure qu’il estime indispensables à l’évolution de l’état moderne dans la paix et dans la justice, pour la suppression des groupements d’intérêts et des privilèges qui ont dégradé la moralité civique en même temps qu’ils s’opposaient au progrès social « . Enfin, dans l’attitude de l’Allemagne hitlérienne qui s’est faite dans le monde le champion du totalitarisme et du racisme, il voit tout de suite une menace pour la paix. Il dénonce les abdications successives qui conduisent la France et l’Europe au conflit de 1939. Combattant, il témoigne, parce qu’il se donne tout entier à sa tâche, des qualités du véritable chef. Résistant, il manifeste dès les jours critiques de la débâcle et de l’esclavage, sa foi inébranlable dans la victoire, sa volonté d’en être un des artisans, dût-il aller jusqu’au sacrifice suprême. La victoire, en effet, n’est-elle pas nécessaire, non seulement pour libérer le sol national, mais pour instaurer un régime de paix stable et aussi une véritable démocratie qui réaliserait enfin, dans une atmosphère de probité et de clarté, les justes aspirations populaires, celles-là même qui ont permis l’accord et fait l’unité de tous les groupements de Résistance, avant même la libération de la patrie ?

Dans ses actes comme dans ses paroles, toujours la même netteté, la même droiture, le même souffle d’énergie, –la même passion aussi : cette passion qu’il se flatte de retrouver dans les sociétés, en opposition au besoin avec leurs intérêts matériels, aux époques critiques de leur histoire – une passion qui chez lui tantôt se dissimule sous la froideur ou l’ironie, tantôt éclate au grand jour en paroles parfois cinglantes, parfois émouvantes, toujours énergiques et en actes toujours raisonnés et, s’il le faut, héroïques : la passion de la liberté, de la justice, de la vérité, – la passion aussi de la France.

C’est sur cette unité de la vie de Pierre Brossolette que M. Pleven alors Ministre des Finances, qui fut son ami durant 22 ans, a insisté dans l’allocution émouvante qu’il a prononcée à la Sorbonne lors de la manifestation commémorative du 22 Mars 1945.  » Sa vie, s’écria-t-il, fut celle d’un homme qui avait toujours voulu vivre comme il pensait… Je n’ai jamais connu Brossolette acceptant un compromis avec ce qu’il croyait juste ou vrai. C’était un caractère sans petits côtés, sans mesquinerie ; aucune préoccupation de carrière, d’intérêt n’a jamais obscurci son jugement, ne l’a jamais fait dévier de ce qu’il croyait la bonne voie… Jamais je n’ai connu Brossolette découragé ; en revanche, je l’ai toujours vu prêt à se dresser, à lutter contre les hypocrisies, contre les illusions, contre les mensonges. Pendant cette grande et longue épreuve de la France, beaucoup d’hommes auront, comme lui, combattu, souffert et délibérément donné leur vie. Mais il y en a fort peu, je pense, dont on pourra dire avec autant de vérité, qu’il fut uniformément, continûment, depuis l’âge d’homme jusqu’à sa fin, intransigeant avec lui-même, un modèle de rectitude et de loyauté. J’ai dit que Brossolette avait vécu comme il croyait ; c’est le deuil de la France que, pour sa délivrance, il ait fallu qu’il meure comme il avait vécu et comme il avait cru « .

Le nom de Pierre Brossolette donné à de nombreuses rues de Paris, de banlieue et de villes de province ainsi qu’à la cour d’honneur du Lycée Janson de Sailly dont il fut l’élève et au Centre National de la Radiodiffusion française à laquelle il appartint, – rappellera aux générations à venir l’exemple d’un intellectuel qui honora la pensée française, d’un journaliste laborieux et ardent, d’un historien qui préféra faire l’histoire plutôt que de l’écrire, d’un homme politique avide de liberté et de justice, d’un de ces  » soutiers de la Gloire  » à qui la France éternelle doit d’être redevenue indépendante, d’avoir retrouvé son âme et de pouvoir marcher vers de nouveaux destins…

C’est grâce à de tels hommes et à leur sacrifice que, selon les paroles du général de Gaulle, la Résistance française est et doit rester non seulement une force de guerre  » mais un élément essentiel du Renouvellement de la Patrie dans la Paix « .

Les Amis de la Fondation de la Résistance