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Les augures de la victoire

On va encore nous dire que l’histoire se répète et que dans sa fidélité aux fins d’après-midi bruineuses, la Coupe de France nous offre un nouvel exploit local. A chacun ira sa tirade, sur la victoire méritée et sur la loi des séries, qui pour une fois a su s’affirmer sans attendre celle des penalties. Bien sûr. On finirait presque par trouver tout cela très normal, de voir repartir les Gaulois de sous Gergovie la tête et les cornes du casque un peu basses, après le tour que viennent encore de leur jouer quelques gamins qui ne sont de pas de si vieilles connaissances que cela…

A force de se répéter dans l’apparence de nos esprits, cette logique d’observation nous ferait bien vite oublier qu’il ne s’agit pas du tout de la même histoire et que si l’évènement s’est bien produit sur la colline de Bellevue, il aurait tout aussi bien pu survenir chez Spartacus, puisque le David d’un soir dispose ordinairement du luxe de deux terrains en tant que champ d’honneur, soit pour y mourir soit pour terrasser Goliath. Quel luxe ! Ce David-là, répond au doux acronyme de MYF alors que celui de l’histoire précédente, répondait à celui d’ASY. Or, au panthéon des glorieux pourfendeurs de dragons, seule la joie compte et l’ivresse ignore le flacon. C’est alors que seule l’émotion de la logique transgressée fait vibrer les foules et que les gorges enrouées d’ordinaire, trouvent enfin un prétexte à se déployer. Que le plus faible puisse s’en sortir en vainqueur diffuse donc le principe exquis, d’une coupe soudainement portée aux lèvres par la multitude, oubliant qu’un beau jour, le baume et son idole finiront au brûle parfum.

Si le spectacle sportif valait assurément la peine d’avoir acheté son sésame pour les arènes, il y avait à ne pas rater une toute autre représentation, bien différente de l’exploit des gladiateurs et considérablement affligeante. Facile d’y assister car elle se déroulait au même endroit, pas sur le terrain, mais dans la tribune officielle. Une vraie représentation du monde du théâtre, dont on comprend vite qu’elle ne se déroule pas à jardin, tant en l’occurrence, il s’agit d’être à cour ! Et même la cour, celle du président bien entendu, qui feint tout autant que ceux qui le flattent, de connaître quelque chose à ce sport devenu soudainement si passionnant, qu’il justifie pour l’occasion de venir risquer la bronchite. Car d’habitude, le Président n’a pas le temps de venir s’enrhumer, la nostalgie du maroquin et la moiteur confortable des cabinets l’emportant sans aucun doute sur l’inconfort des gradins. La cour non plus d’ailleurs, s’entendant plus ordinairement en affaires de gredins qu’en assises populaires. Et pourtant, l’homme en noir avait-il à peine gazouillé pour la dernière fois de la partie, que déjà la cour piaillait à son tour sur les réseaux sociaux, campant fièrement et rassemblés sur la selfie du jour, où il convenait d’afficher un sourire accordé, exhibant une collection de trombines béates à défaut d’avoir participé plus tôt dans la soirée à un concert de fidèles trompettes.

Considérant ce cuivre délaissé bien que joliment pistonné, il convient justement de ne pas s’y tromper, car ce n’est pas dans ce milieu-là, le score du match qui importe, mais plutôt celui à venir d’une popularité escomptée. Les moyens sont donc tous très bons et l’on aurait joué au cricket sur cette herbe, qu’on y serait allé pour l’occasion, pour peu que ce sport inconnu chez les Arvernes et autres Eduens sous-développés se fût avéré populaire. Voilà comment ce MYF suscite l’enthousiasme des opportunistes en mal de renommée. C’est remarquable, le chercheur de trompettes qui craint plus que tout la corrosion du pavillon, ne risque pas ici ses oreilles, lorsque les matches sont des souffrances, ceux à l’issue desquels les visages sont fermés, parfois même ceux des illusions envolées. Et s’ils avaient des oreilles, ces réjouis de la dernière heure, comprendraient que cela existe aussi de soutenir son équipe dans les matches de charbonniers, à domicile, mais aussi lorsque les déplacements sont à portée de tromblon. Bien au contraire, au mauvais prétexte de bonnes excuses sur leur mélodie, on n’est pas prêt à confondre la voix nasillarde des essaims de vuvuzelas et les voix exprimées par monceaux dans les urnes. C’est vérifiable, les scrutins d’ici ne se sont jamais décidés au pays du charbon, s’agirait-il de temps en temps de celui d’une région très voisine. A chacun donc sa mine, pourvu que la selfie n’affiche que celle convenue !

Ne nous laissons pas tromper disions-nous, et décryptons les intentions, dans cette galerie des ambitieux à qui tout est bon, quitte à renier leurs positions, à oublier qu’ils ont poussé des cris d’épouvante devant le soutien financier nécessaire à de telles aventures associatives, à feindre l’utilité de ce formidable vecteur de communication, à ignorer le nombre élevé du public amateur, le tout étant de le faire au bon moment et devant qui de droit.

 La victoire n’est donc pas une aussi bonne nouvelle que cela, car elle va légitimer un enthousiasme de façade et contribuer à donner un bien fondé apparent au projet de naissance d’un club dit d’agglomération qui ne sera construit sur aucune structure d’attachement et qui volera leur fierté aux bénévoles, responsables pour beaucoup d’entre eux, d’un investissement durable, sincère, désintéressé et sans limite. Ainsi des édiles simplement préoccupés de baisser les volumes de subventions à des associations qui ne sont pourtant pas les dernières à s’occuper de la jeunesse de leurs communes, trouvent-ils intérêt soudain à venir soutenir une chimère bicolore brutalement devenue digne d’attention. Comme cela, il ne restera rien pour les petites structures, qui se sont d’ailleurs déjà résignées dans un dépit bien peu académique.

Or le MYF ne roule pas pour la colline forte et sacrée, il roule pour la cité du bon Duc, lequel d’ailleurs, comme tous les Ducs, décide d’à peu près tout, qu’on a autrefois vilipendé et devant qui certains sont prêts maintenant à retourner leur maillot, pourvu qu’en majesté, il leur laisse espérer quelques strapontins de son duché élargi.

 Mais quittons cette époque de carrioles, et songeons qu’en ovalie, on dit lorsqu’on a perdu l’initiative, qu’on a donné les clés du camion. Il semble donc qu’au ballon rond, dans certaines contrées, on s’y entende assez bien et qui plus est comme larrons en foire.

Alors le club, c’est fait ? et après, l’Hôtel de Ville ? et celle qu’on appelait autrefois la Datcha, on y prévoit quoi ? un nouveau programme commun ou un cheval de Troie ?

 Giraudoux réveille-toi, et confirme-nous que la guerre de Troie n’aura pas lieu.

 

Achille de Trois