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Jacques Chevalier : peut-on mettre en valeur le philosophe sans parler de sa coupable action politique

 

 

Il est étrange que la Société d'Emulation du Bourbonnais organise une conférence sur le thème " Renaissance de Jacques Chevalier" .           

Dans cette présentation il n'est fait aucune allusion à son sombre passé politique .

regards 03 a recherché pour vous des pages de son histoire dans sa totalité

Voici quelques lignes de présentation du livre de Daniel  Bloch:

Ancien recteur des université

 

 Jacques Chevalier et Emmanuel Mounier : deux philosophes, le maître et l'élève, engagés dans la vie de leur pays. Les liens d'amitié entre Jacques Chevalier et Emmanuel Mounier, noués dès 1924, se relâchent progressivement, sans pour autant disparaître, dès lors que le national- socialisme dévoile sa vraie nature, que l'Allemagne rompt le traité de Versailles, que la guerre civile espagnole fait rage, que le Front populaire s'effondre, que s'ouvre le chemin conduisant à l'institution de l'Etat français, et que cet Etat met fin à la démocratie et à la République.

En 1932, Emmanuel Mounier crée, avec l'appui de Jacques Chevalier, la revue Esprit. Celle-ci, d'abord tolérée par les autorités de Vichy, sera interdite au bout de quelques mois, mais elle réapparaîtra à la Libération. Jacques Chevalier, engagé depuis toujours dans un combat contre le "laïcisme" deviendra ministre du Maréchal Pétain. En charge de l'Instruction publique, il réintroduira Dieu à l'école et sera condamné en 1946, en Haute Cour de justice, compte tenu de ses fonctions ministérielles.
Cet ouvrage prend appui sur leurs échanges de correspondances et sur les verbatims de leurs entretiens, pour la plupart inédits. Il apporte une contribution significative à l'histoire de notre temps. Il bénéficie d'une préface de l'historien Antoine Prost.

Jacques Chevalier selon Wikipédia 

La ligne éditoriale d'Esprit rencontre rapidement l’hostilité de Jacques Chevalier. Mounier n’est pas indifférent à la pensée de Marx, alors que Chevalier combat le « matérialisme allemand » dont, pour lui, le marxisme serait issu. Mounier se range du côté du Front populaire, cependant que Chevalier anime l’Union nationale des membres de l’enseignement public qu'il avait créé en 1925 afin de regrouper des enseignants catholiques qui s’estimaient persécutés en raison de leur foi, et qui l'estimeront l'être plus encore dès lors que le gouvernement de Front populaire sera au pouvoir. Chevalier soutient en Espagne la révolution franquiste alors que Mounier en dénonce l’ADN fasciste. Même si l’un et l’autre, pour un temps très court, se retrouvent avec l’espoir d’une réussite de la “Révolution nationale”, qu’incarne l’Etat français, Mounier en saisit rapidement les dangers, alors que Jacques Chevalier, s’engage aux côtés du Maréchal Pétain, dont il deviendra ministre pour quelques mois

Dans le gouvernement de Vichy

Avant de faire partie du gouvernement de Vichy, Jacques Chevalier avait accepté en 1937 une mission de réorganisation de l'enseignement espagnol auprès de Franco, dans une Espagne alors en pleine guerre civile. Comme il n'avait pas prévenu le gouvernement, ainsi qu'il était coutume de le faire, Jean Zay, alors secrétaire d'État à l'Éducation nationale, signa une circulaire prescrivant « qu'aucun universitaire français ne pourrait accepter une mission officielle d'un gouvernement étranger sans l'autorisation de son ministre » de tutelle.

Secrétaire général à l'Instruction publique2 du 11 septembre au 13 décembre 1940, Chevalier dénonce à Pétain l'intention qu'avait eu son prédécesseur au ministère, Georges Ripert, de consulter le secrétaire général du Syndicat national des instituteurs (SNI), André Delmas, et contribue à son renvoi, le 13 décembre 1940.

Il le remplace alors au poste de secrétaire d'État à l'Instruction publique et à la Jeunesse. Il occupe ce poste du 14 décembre 1940 au 23 février 1941.

Contre sa propre administration restée fidèle au principe de laïcité, il mène une action visant à réintroduire Dieu dans les programmes scolaires. Lors de la réforme des programmes entreprise par Georges Ripert en novembre 1940, Jacques Chevalier ajoute un paragraphe dans les programmes de Morale : « Entretiens familiers et lectures sur les principaux devoirs envers nous-mêmes, envers nos semblables (Famille et Patrie) et envers Dieu ». Les devoirs envers Dieu avaient été inclus dans le plan d'études des écoles primaires élémentaires publié le 18 janvier 1887, supprimés le 23 janvier 1923 et rétablis, discrètement, dans de nouvelles instructions signées de Léon Bérard ministre de l'instruction publique et datées du 20 juin 1923.

Il fit de l'instruction religieuse un enseignement à option par la loi du 26 février 1941. L'article 4 du concordat négocié entre la République française et le Saint-Siège au premier semestre de 1940 prévoyait cette mesure.

Chevalier alléguera après-guerre, notamment à ses procès, avoir négocié des accords secrets entre Churchill et Pétain, mais de nombreuses mystifications ont obscurci la réalité : Chevalier a transmis une note écrite de Lord Halifax, ancien camarade d’Oxford. Churchill propose à Pétain de se replier en Afrique du Nord et d’y envoyer six divisions. Pétain lut la note et dit : « Nous ne l’avons pas reçue ». Elle resta sans réponse.

Une contestation violente de Chevalier vient de la presse collaborationniste de Paris (L'Œuvre de Marcel DéatLes Nouveaux Temps de Jean Luchaire) pour son attitude au moment de la mort d'Henri Bergson, le 4 janvier 1941, pour avoir présenté des condoléances officielles à la veuve du philosophe à la radio de Vichy, et pour sa politique cléricale. Son successeur, Jérôme Carcopino, a rapidement fait disparaître les devoirs envers Dieu dans les programmes par des références à d'autres notions universelles comme les valeurs spirituelles ou les civilisations chrétiennes. L'enseignement de l'instruction religieuse à option dans les locaux scolaires devient facultatif et dispensé en dehors des locaux scolaires.

Chevalier interdit par ailleurs aux Juifs par circulaire du 10 février 1941 la préparation des concours de l'agrégation, en application du statut du 3 octobre qui interdit aux Juifs d'être fonctionnaire. Cependant il ne cède pas à la volonté de Claude Vacher de Lapouge, venu le solliciter en décembre 1940 pour la création au Collège de France d'une chaire destinée à l'enseignement des doctrines racistes. En janvier 1941 également, il destitue un professeur de l’université de Grenoble d’origine juive, ce qui lui vaut la rupture avec Emmanuel Mounier, son disciple.

Chevalier devient ensuite secrétaire d'État à la Famille et à la santé, poste qu'il occupe du 23 février 1941 au 12 août 1941, qui est marqué par quelques réformes concernant la mise en place d’allocations de retraite aux vieux travailleurs et une loi facilitante l'adoption. Une extrême fatigue et la déception devant les difficultés de l'action40 contraignent Chevalier à se retirer en août 1941.

Fin de la guerre: opposition à la résistance et arrestation à la Libération

En octobre 1942, après un long repos il reprend alors sa charge de professeur et de doyen à Grenoble. Chevalier n'hésite pas à inscrire à la faculté pour les protéger plusieurs jeunes filles israélites ainsi que deux jeunes républicains espagnols.

L'année 1944 est particulièrement agitée pour l'ancien ministre. Il se permet au cours d'une conférence à Paris de dénoncer la présence de l'occupant, mais à la suite des offensives des Forces françaises de l'intérieur dans la région bourbonnaise, il écrit des lettres à divers responsables gouvernementaux de Vichy dans lesquelles il réclame des armes pour des « hommes sûrs » afin de lutter contre la subversion communiste en ce printemps 1944. Il approuve les exactions de la Milice3 et fait appel à elle contre les étudiants résistants de Grenoble, provoquant une hécatombe.

Un groupe de F.F.I., ayant intercepté un de ses appels téléphoniques au cabinet de Darnand lui demandant d'intervenir contre le maquis présent dans la forêt de Tronçais, arrête Chevalier le 25 juin 1944 dans sa maison de Cérilly pour le conduire dans un maquis-prison itinérant. . Sa demande d'intervention sera suivie d'effets, avec du côté des résistants huit morts et quatre blessés. Il sera retenu prisonnier dans la forêt de Tronçais où il assiste à l’exécution par un détachement de F.T.P., de familles de miliciens fuyant la Libération en train vers l’Allemagne. Il est ensuite transféré au centre pénitentiaire de Fresnes le 24 mars 1945.

Il témoigne au procès du maréchal Pétain le 7 août 1945 au sujet des négociations franco-britanniques. Puis, pour raison de santé, il est mis en liberté provisoire le 7 novembre 1945, jusqu'à ce que se tienne son procès le 11 mars 1946 ; Marcel Héraud, son compatriote de Cérilly, est son avocat, ainsi que Marcel Poignard et Roger-Adolphe Lacan.

Le 12 mars 1946, il est condamné à vingt ans de travaux forcés, à la dégradation nationale et à la confiscation de la moitié de ses biens. Une mesure présidentielle allégera peu après sa peine  : il bénéficie d'une mesure de libération conditionnelle le 8 mars 1947 et est gracié par décret le 7 août 1947.

Il se retire alors à Cérilly pour se consacrer à la rédaction de ses travaux philosophiques, notamment sa monumentale Histoire de la Pensée. Le tome 2 consacré à la pensée chrétienne n’a pas convaincu le médiéviste Georges Duby par sa vision « sommaire » et « enfantine » du Moyen Âge, parfois déformée : Georges Duby relève ainsi que selon Chevalier l’époque médiévale tardive est synonyme de confusion, c’est-à-dire « ce qu’aime la masse… lorsqu’elle n’est pas maintenue, éclairée et guidée par un chef ». Le régime corporatif des artisans et commerçants y est loué mais déformé.

guy chambefort